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Présentation
Le Grand est martyrisé et violenté par sa mère (meurtrière sadique du père), esclave de sa folie, jouet, pénis et souffre douleur. Elle l’aime la nuit et le bat le jour. Dans cet univers de transgression et de frénésie, il y a une porte entrouverte, un espoir, un objectif : la Rivière-au-P.
La rivière -au-P., c’est l’obsession du Grand, le terrible passage de l’enfance à l’âge adulte, le monde des Autres, sûrement moins effrayant que le huis clos familial. C’est là qu’il lui faut aller. Remplacer la mère par la fiancée, dépasser l’inceste pour atteindre la légitimité, intégrer la société.
Nicole Sigal a écrit sa pièce, comme on allume un feu : ça brûle, ça virevolte, c’est joyeux et dangereux. Man-man est une pièce d’une liberté rare, qui mêle allègrement sexe, sang, soleil et vent, qui affronte les dérives et les tabous humains avec brio, un texte qui explore le terrain miné de l’amour maternel et le fait exploser en gerbes d’étoiles. (Extrait de la préface de Véronique Olmi)
Genre: Tragédie bouffonne
Répertoire: Pièce pour adulte
Distribution: modulable, minimum1H-2F
Durée: 1H 15
Thèmes abordés : Inceste mère /fils
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Extrait
LE GRAND
Man-man elle a des lèvres
qui s’ouvrent sur le centre de la terre
la couverture prend feu
ma tête est un soleil qui explose en sang
elle m’incendie dans son grand lit
Man-man.
Man-man.
C’est la plus belle
elle est comme un grand bifteck
cuit à point
je me roule dans sa chair
comme les galets de la mer
sans fin
Man-man
j’en connais pas d’autre
tout le reste c’est des inventions
moi j’y crois pas.
D’ailleurs les autres je ne les connais pas
tandis que la mère
je connais tous ses sillons ses plaines et ses vallons
je suis sûr de ne pas me perdre
dans sa forêt je connais le plus petit sentier
Man-man
au loup j’ai oublié de jeter des petits cailloux!
LA MÈRE
Le père on n’en voulait plus
il ne servait à rien qu’à crier
et à taper.
Le Grand en était tout bleu jusqu’aux oreilles
à lever toujours le coude pour protéger ses os
et à rester des heures la tête en bas
ligoté à la grosse branche du prunier
tandis que le père vidait ses cartouches sur les prunes gonflées de soleil.
Les plombs lui chauffaient les oreilles
et les prunes giclaient sur sa peau blanche
on aurait dit un ange percé au cœur
il enflait.
J’avais un mal fou à le faire revenir à l’endroit
quand le père disait “ rompez ”.
Je ne vois pas pourquoi il n’aurait pas le droit de rentrer
par où il est sorti
dans la chaleur d’août en m’écartelant les os
il pesait six kilos de ma chair, un beau morceau.
Et on voudrait que je n’en prenne pas soin!
Le père disait: “ arrête de le couver t’en fais une poule ”.
I comprenait rien on n’avait pas le même sang
un étranger.
Un jour on en a eu marre du père
j’ai écrasé les petits grains dans ses patates
au presse-purée.
Il est tombé comme un gros rat musqué
les quatre fers en l’air
on aurait dit un gros hanneton
il s’est démené sur le dos
avec ses quatre pattes qui griffaient l’air pour se remettre d’aplomb
on a ri.
C’est la seule fois où le père a été comique.
Jure-moi que tu n’aimes que moi.
LE GRAND
Man-man tu es plus belle que la rivière.
LA MÈRE
Mieux que ça.
LE GRAND
Tes seins sont meilleurs qu’un morceau de pain tout chaud
avec deux sucres.
Man-man je te jure
je n’aime que toi
d’ailleurs j’en connais pas d’autres.
je t’aiderai à plier les draps
avec toi je ferai du canevas.
Le père est crevé
il n’y a plus à s’inquiéter