Critiques

Critique de Gilles Costaz pour « Un homme comme moi », Editions Velvet 2021

« Nicole Sigal est une figure entière et drolatique en tête de ces mouvements un rien provocateurs qui semblent ne rien respecter et respectent follement l’écriture, l’art, le style autant qu’un Mallarmé, mais avec un rire féroce tapi sous la table.

La personnalité de Nicole Sigal contient des rires multiples et des sentiments complexes car elle échappe aux définitions et aux calibrages habituels. Romancière, elle est aussi comédienne, auteure de théâtre et peintre. Chacun de ces visages mériterait que l’on s’y attarde. Mais, face à une telle abondance, l’on en restera à l’écrivaine, sans s’abstraire du théâtre où son inspiration est souvent commune avec celle de ses œuvres littéraires. Pour Nicole Sigal, il s’agit d’aller là où l’eau trouble sommeille et de la réveiller. Les mensonges de l’amour, les vilénies de la société bourgeoise, les injures faites aux femmes sont les terrains où elle part promener son redoutable regard spectrométrique. Il y a deux ans, sa pièce Femmes kleenex, rebaptisée par le metteur en scène 225 000 (le nombre de femmes brutalisées par leur partenaire chaque année en France), obtenait un grand retentissement au festival off d’Avignon : c’était violent, mais sans complaisance, drôle mais au bord des à-pics, un remarquable moment chaud et froid sur la brutalité conjugale.

Avec Un homme comme moi, c’est une nouvelle fois l’homme qui passe sous les rayons X, mais pas le brutal qui croit que le cerveau est situé dans ses poings et dans ses couilles. Non, le bof (merci, Cabu, d’avoir inventé ce mot). Le bof dragueur, baiseur, buveur, profiteur, baroudeur, branleur. Le « héros » de Nicole Sigal est séparé de sa femme sans l’être. Il passe voir son épouse quand il en a envie, rafle tout ce qu’elle peut lui donner mais, n’ayant pour elle qu’un mépris intéressé, va vite rejoindre ses pauvres conquêtes qu’il n’aime pas davantage mais qui ont un corps plus jeune à lui prêter. Le roman se passe essentiellement dans le mental de ce sinistre individu, mais cette anatomie d’un mâle lamentable est à trois temps. Attention aux derniers temps du livre où l’angle de vue bascule à 180 degrés !

Spectroscopie, disions-nous. Même sans en saisir tout le sel scientifique, il faut bien prendre un mot inattendu pour parler de Nicole Sigal, qui descend profondément dans la bêtise humaine et machiste. Ce qui fascine chez elle, dans ce roman précisément, c’est sa capacité à disséquer joyeusement et presque infiniment la banalité. Là où un autre écrivain ou bien illustrateur pour journal satirique se contenterait de quelques traits bienvenus, Sigal va au plus profond, plonge dans le marécage intime, attrape et aligne mille détails, d’une plume toujours rieuse et rigoureuse. Il y a chez elle une volupté du banal exécrable, un enchantement à prendre la médiocrité dans une luxuriance de détails. C’est ainsi que Nicole Sigal est drolatique et même irrésistible. En la lisant, on se dit : elle ne va pas aller plus loin, il n’y a pas d’autres marches, d’autres degrés dans le cloaque de l’esprit où elle déambule. Mais, si, elle, va toujours plus avant, spectroscopiquement. «Le tout dans l’audace, c’est de savoir jusqu’où on peut aller trop loin», disait Cocteau poète du bon goût. Nicole Sigal n’a pas ces prudences-là. C’est pour cela qu’elle fait sauter la banque. Elle ne boursicote pas, elle flambe. »

 

Gilles Costaz – critique théâtre pour Femmes kleenex, mise en scène de Guillaume Vatan à l’Espace Alya, Festival Avignon 2019
La ronde des maris massacreurs

Nicole Sigal, une auteure dont le style caustique compte beaucoup dans le concert littéraire d’aujourd’hui, a vu certaines victimes de près. Elle a passé plusieurs mois dans un foyer d’accueil où sont abritées ces femmes détruites. La pièce, structurée en ronde, n’aligne pas les histoires l’une après l’autre mais entremêle les épisodes, permettant de retrouver, comparer et superposer des événements différents et semblables. Presque à chaque fois, l’homme est tel un loup-garou ou un docteur Jekyll, double, doux à certaines heures, meurtrier à d’autres.
Guillaume Vatan fait fonctionner le spectacle comme une spirale infernale. Les éléments de décor s’en vont, reviennent, comme les personnages. A chaque fois on passe du chaud au froid, du calme à la tempête, de l’eau qui dort à l’explosion. Dans ce mouvement frénétique de toupie, les acteurs savent en même temps suivre ce rythme et être d’une vérité saisissante. Camille Favre-Bulle, Magali Bras, Mathias Marty et Rodolphe Couthouis passent admirablement d’un visage à un autre, d’un état d’âme à un autre. A cette vitesse, la précision du jeu est impressionnante. Vatan prend même le risque d’aller jusqu’à la forme du vaudeville, pour susciter et casser le rire. L’écriture jongleuse et clinique de Nicole Sigal trouve là une mise en théâtre d’une grande force, implacable, vivifiée par un art de la satire qui, même dans le gag, ne s’autorise aucune facilité.
225 000 (Femmes kleenex) de Nicole Sigal, mise en scène de Guillaume Vatan, avec Camille Favre-Bulle, Magali Bras, Mathias Marty, Rodolphe Couthouis.
Festival d’Avignon off 2019, Espace Alya

Françoise Xenakis a écrit à propos de son premier roman : Sans chien, « Dans le genre féminin j’y-vais-plus-fort-que-toi-ou-je-crève (…) Nicole Sigal est, je crois, la seule qui a écrit pour ne pas crever (…) de cette canalisation violemment débouchée sort d’étranges images, certaines sont terribles et belles. Il n’y a pas un mot qui lui fasse peur. »

Véronique Olmi pour la préface de sa pièce Man-man, « Nicole Sigal écrit comme on allume un feu : ça brûle, ça virevolte, c’est joyeux et dangereux. Elle s’intéresse au monde intérieur des êtres et non à leur réalité objective. Les démons et les fantasmes surgissent avec violence, excessifs, terrifiants, sanguinaires, obscènes, poétiques aussi, poétiques surtout. Une poésie revendiquée comme arme absolue, révolte vitale et salvatrice. Et puis, il y a l’humour ! Un humour corrosif, sans concession, aigu, et nous naviguons dans un monde burlesque et onirique qui nous offusque et nous réjouit tout à la fois (…) ses textes sont d’une liberté rare qui affronte les dérives et les tabous humains avec brio… ».

Jean-Michel Ribes pour la préface de Sur le chemin de l’amur : « Nicole sigal a compris que les grandes histoires n’en ont pas, que le sens s’arrête dès qu’on le voit apparaître (…) J’en ai gardé un souvenir fort, comme le goût d’un fruit acide et savoureux dont l’origine m’était inconnue. Je viens de relire la pièce, le fruit est toujours vert, vivace et cache toujours avec délice sa provenance… »

Claude Ber pour la préface de Enfer à domicile : C’est dans les décalages d’une écriture à mi-chemin entre l’adhésion émotionnelle et la distance, dans la quête d’inventivité d’une parole dépareillée, cousue d’étoffes disparates, que se trouve la singularité d’une sensibilité, d’un point de vue, d’une manière. Et il y a une manière propre à Nicole Sigal de dire son monde. Une manière lucide et exacerbée d’écorchée vive qui, dans la tendresse comme dans la fureur, se confronte au langage. C’est dans ce lieu fictif construit par l’écriture que se cautérisent les douleurs, que se réconcilient la chair et l’esprit écartelés, que se déposent ensemble raisons et déraisons, pulsion vitale et pente morbide, douceur et cruauté de la vie, que se dissocient et se fondent réalité et fiction.

Gilles Costaz pour la préface de Joyeuse année toute l’année : C’est féroce, et tellement plein d’amour : un mélange de cruauté et de bonté très rare (…) Tout le théâtre de Nicole Sigal est un feu de joie.

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Presses électroniques de France

 

 

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