Voyage en Cauchemance

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Présentation

Un village oublié de tous. Une seule saison, l’automne, détrempe éternellement les éboulis servant d’habitations, inonde les rues de coulées de boue sortant des entrailles de cette terre inhospitalière. Pauvreté et Exclusion gouvernent ses habitants.

Arrive un étranger, sorte de savant philosophe dont ils se méfient et auquel ils vont confier la tâche de surveiller les intempéries dans l’espoir de changer le cours des choses. Tâche évidemment impossible.

Alors que Moral des Ménages est au plus bas, atterrit en hélicoptère un couple riche et souriant, stéréotype d’une couverture de magazine people : Président Moije et First Lady descendent en touristes à L’hôtel des Voyageurs pour y cacher leurs amours.

Après leur départ précipité, rien n’est plus comme avant, le village va prendre une grande résolution…

A l’image des fatrasies du Moyen-Age, l’auteur débusque, sous formes d’allégories, nos travers contemporains.

Genre : Farce épique
Répertoire : Tout public
Distribution : 24 personnages (13H-11F), modulable
Durée : 90 minutes

Ecrite pour les comédiens d’Eurydice grâce à une Bourse de Résidence du Conseil Régional d’Ile-de-France.
Créée au Théâtre Montansier de Versailles le 10 octobre 2008, mise en scène par Michel Reynaud.

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Extrait

L’alcool nouveau

Ils trinquent.

TOUS

Vive la Veuve-Veuve et son alambic

Qui nous rend dithyrambique.

 

CHEF-CHEF

Foie de Chef-Chef, j’en ai bu de toutes les couleurs

En attendant le retour des saisons.

 

SOUS-CHEF

C’est pas une vie que notre éternité mouillée.

 

Ils font la queue, la Veuve-veuve leur sert à tous une assiette de patates, ils mangent et boivent avidement, surveillés par Chef-Chef et Sous-Chef, les 2 autorités du village.

 

LA GAMINE QUI EN SAIT LONG

Je te dis qu’un homme m’a regardé avec des yeux pas d’ici

M’a demandé ce que je fais dehors à attraper la mort

Je lui ai dit justement

Ici y a plus qu’elle qu’on attend

Il a eu peur a glissé dans une coulée

Je me suis carapatée jusqu’au cagibi qui me sert d’abris.

 

LA DELUREE

Moi aussi je l’ai vu avec ses yeux verglaçant

Me déshabillaient toute crue

Je crois bien qu’il a des lunettes pour faire plus honnête.

 

PERE INCONNU

Un savant qui vient pour régler le temps.

 

DAME LEGERE

Un bel homme comme on n’en voit plus.

 

PERE INCONNU

A part moi bien entendu.

 

LA TOUTE VIEILLE

Qu’est-ce qui se passe ?

Le chevalier Arthur est arrivé en voiture

Merde, je suis pas prête.

 

LA VEUVE-VEUVE

C’est rien grand-mère, c’est les gamines

Elles ont leurs lunes

C’est plus de ton âge.

 

CHEF-CHEF

Ça demande réflexions toutes ses inventions

Si que ça serait vrai

On ne sait jamais.

 

SOUS-CHEF

Ouais faut délibérer

Un touriste, par où qui s’rait arrivé ?

 

CHEF-CHEF

C’est vrai ça, y a qu’un étranger pour venir jusqu’ici

Faut délibérer

Allez du balai les cauchemanthéodoriciens.

 

LA VEUVE-VEUVE

Tout ça c’est mensonges de gamines tombées dans la puberté

Du balai les gueux

On ne sert plus après 22h.

 

TOUS

22h ! Ça fait longtemps qu’on n’a plus l’heure

A Cauchemance le temps est en vacances

S’est arrêté de vieillir, on n’a plus rien pour le compter.

Ils lisent un dépliant touristique.

Une seule saison, l’automne, détrempe éternellement les éboulis servant d’habitation, inonde les rues de coulées de boue sortant à gros bouillons des entrailles de cette terre inhospitalière… Seule ressource, la culture de la patate et l’alcool de patate distillé dans l’alambic de la Veuve-Veuve, patronne de l’Hôtel des Voyageurs, bâtisse dominant le village de son bloc de béton et de tôles inesthétiques ressemblant plus à un hangar à betteraves qu’à un relais campagnard. On y sert de la patate chaude à tous les repas mais plus personne ne s’aventure sur cette route s’arrêtant à la dernière maison. Un rideau de pluie verglaçant emmure définitivement le village encaissé dans une faille rocheuse. Seuls les pauvres petits soleils électriques des réverbères diffusent jour et nuit leur couleur huileuse comme un dernier espoir perçant un rideau de larmes. Pauvreté et Exclusion gouvernent ses habitants.

Le couple Pauvreté et Exclusion sort du chœur des habitants en tirant sa révérence, c’est un couple de clochards très classe.

 

PAUVRETE

Viens chéri, déguerpons, avant que le maire sorte son spray anti-SDF

Vont nous accuser de faire fuir les touristes

Aussi vrai que je m’appelle Pauvreté, j’ai ma fierté

Dès qu’on parle de nous c’est pour nous chercher des poux.

 

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