L’Autre scène

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Présentation

Un narrateur lisant « La métamorphose » de Kafka, se retrouve soudain, dans un rêve, envahit de vermine dans son lit, il voit se succéder dans ses draps de drôles de couples en mal de pouvoir, de sexe, d’argent, ayant peur d’être détrônés par cette vermine.

Genre : comédie grinçante
Répertoire : adulte
Distribution : modulable, de 7 à 17 comédiens H et F
Durée : 20 minutes
Thème : L’état du monde, le nôtre ici et maintenant

 

Extrait de la préface de Jean-Michel Ribes :

« Pierre Notte, auteur lui-même et grand amateur d’inattendu, a eu l’excellente idée de commander à sept écrivains une courte pièce destinée à des compagnies amateurs autour du thème du « lit », lieu essentiel où l’on rêve, aime et meurt. Tous ont écrit des textes libres, jaillissants, dérangeants, vivifiants, où la parole, portée par le désir d’être dite par des amateurs de désir, s’envole, joyeuse et libre ».
Pierre Notte : « C’est le monde comme il va et, via un lit, fouillé à cœur ouvert. Ecritures sans contrainte ni pudeur, sans restriction économique, morale ou esthétique, sans diktat. Libres, exactement ».

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Extrait

Elle
Rodolphe, l’amour en tas c’est pas mon truc.
Y a pas un endroit plus tranquille dans ce théâtre ?

Lui
Je n’en peux plus, enfile ta combinaison sans plus de façons.
Ils enfilent chacun une combinaison, reliée à un ordinateur par un écheveau de fils. S’allongent comme deux gisants.

Les vieux
De notre temps on se déshabillait, maintenant on s’habille.

Silence.

Tous
Se partagent le texte.
Dans un silence mobilisant tous leurs chakras ils enfilent leur seconde peau couverte de microscopiques capteurs-stimulateurs permettant de se connecter au cyberespace, d’émettre et recevoir les sensations tactiles qui les conduiront à la pluie d’étoiles filantes de leurs orgasmes simultanés.
Bref de s’envoyer en l’air comme des bêtes. Rodolphe et Marie-Michou auront des relations sexuelles électroniques torrides devant vous.
Dans le noir de la salle vos yeux s’allument déjà de lubricité, vous essayez d’attraper votre voisin par n’importe quel bout. Les senteurs d’oignons et de vase à Lilas de vos entrecuisses moites et molles s’exhalent des fauteuils. Stop, inutile de déclancher le sextoy  de madame avec votre téléphone portable, qui je le rappelle doit être éteint même à cet effet. Bref vous êtes de la revue comme disait ma mère-grand. Il s’agit d’une expérience intérieure. Beaucoup plus satisfaisante que la relation sexuelle classique, discrète et invisible vous pourrez bientôt la pratiquer dans le métro quand nous aurons réussi la connexion sans fils.

Egrillards, ils s’approchent tous de l’écran de l’ordinateur pour lire les messages qui s’y inscrivent. Les deux gisants émettent parfois des sons et des gestes incongrus.

Ton gland turgescent et luisant comme un dos de phoque cogne la rose tumescente de mon con- Stop- bien reçu, j’entre – stop-
oui oui oui oh oui- stop-

Ça on connaît.

Trompe-toi pas de trou -stop- ma boussole s’affole- stop- vais exploser en mer(e) –
Ah non, pas elle-
Je t’aime, prends-moi vite partout –stop-

Là, nous sommes obligés de vous signaler le manque d’originalité de la love langue du cyberespace, encore trop influencée par deux mille ans de morale judéo-chrétienne.

Suis rentré, n’ai plus de nouvelles –stop- me concentre –stop-
Pensées parasites- stop- lesquelles -stop- ai-je bien fermé le gaz-

Ça aussi on connaît.

Fonce, va et vient et tourne et retourne, ça va déborder- stop- c’est dans les vieux pots qu’on fait les meilleures soupes -stop-

Ils sont vulgaires ces cybers.

Vite, vite, ça vient, Manman ! – stop- suis pas ta mère, merde.

Heureusement.

Vivent les indignés, vivent les indignés
Les carottes sont cuites, je répète les carottes sont cuites –stop-

Ils reviennent à eux brutalement.
Elle
Pour être cuit, c’est cuit.

Lui
On a capté le podcast de l’émission de la semaine dernière sur la résistance. Désolé on ne connaît pas encore tous les secrets des synapses artificielles.

Elle
C’est surfait.

Lui
Tu trouves ? J’étais bien parti.

Elle
Ça manque de contacts.

Lui
Justement ça règle pas mal de problèmes, se passer de l’Autre est le but suprême mon amour.

Elle
Ah bon.

Lui
L’Autre qui nous cause tant de soucis, occasionne tant d’ennuis pour finalement nous lâcher lâchement dans notre nuit.
On se reproduira par scissiparité comme les amibes, et à nous l’éternité.

Elle
Songeuse.
Vu sous cet angle ça fait réfléchir.
Bonne nuit.

Lui
Bonne nuit.
Ils se tournent le dos.

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